LE DRAINAGE
Published on: lundi 3 mars 2014 //
Infirmier polyvalent
1. GÉNÉRALITÉS
Drainer veut dire assécher. Ainsi le paysan qui
dispose d'un champ trop humide ou marécageux va-t-il placer des drains destinés
à recueillir et évacuer les eaux stagnantes, en utilisant la pente naturelle du
sol (ou déclivité).
En chirurgie, le drainage cherche à faciliter
temporairement l'évacuation d'un liquide vers l'extérieur ou à éviter la
(reconstitution d'une collection anormale. Selon les circonstances ce liquide
peut être du sang, du pus, des sérosités, de l'urine, de la bile ou encore du
liquide digestif ou des selles.
Le drain peut être placé dans une cavité naturelle
(cavité péritonéale, vessie, plèvre,péricarde, articulation, voie biliaire ...
) ou dans une cavité néoformée, infectieuse ou traumatique (abcès, hématome, plaie,
décollement chirurgical ou traumatique ... ).
Le mode de drainage et le type de drain choisi
dépendent étroitement de la cavité à drainer.
2. MODE DE DRAINAGE
- Le drainage
passif se contente
d'utiliser les différences de pression existant entre la cavité concernée et
l'extérieur. Notre paysan qui utilise la déclivité naturelle du sol effectue
un drainage passif. De même le drain placé dans la cavité abdominale est soumis
à l'hyperpression intra-abdominale et les liquides vont avoir tendance à s'évacuer
par le drain vers l'extérieur où règne la pression atmosphérique normale.
- A l'opposé, le drainage actif fait
intervenir un système d'aspiration extérieur. Pour le paysan, il s'agit d'une
pompe avec laquelle il vide les poches d'eau qui ne s'évacuent pas d'elles-mêmes.
En médecine, on utilise la dépression fournie par une source de vide(aspiration
centrale avec une prise murale ou système de pompe électrique, indépendante
et mobile). Par exemple, un drainage thoracique (de la plèvre) pourra être
aspiratif pour
Compenser la dépression de la cavité pleurale lors de
l'inspiration.
Lorsque l'on utilise ce type de drainage aspiratif, il
faut pouvoir contrôler et moduler ladépression (mesurée en cm d'eau) pour ne
pas créer de lésion tissulaire par une aspirationtrop brutale.
I.2 DIFFÉRENTS DRAINS
Les drains les plus utilisés sont les drains
tubulaires, les lames, les drains aspiratifs et lesmèches. D'autres systèmes
sont parfois utilisés : faisceau de crins, système d'irrigation etaspiration ou
sac de Mikulicz.
Figure 1 : Drain tubaire multiperforé
C'est un simple tube de calibre variant de 2 à 10 mm.
Il était souvent en caoutchouc mais cematériau est irritant pour les tissus au
contact et provoque une réaction inflammatoire etadhérentielle pas toujours
souhaitée. Mais c'est un matériau que l'on trouve partout, peuonéreux,
Figure 2 : La lame
La plus répandue est la lame de caoutchouc ondulée,
très bon marché et encore trèsutilisée ; c'est un drain exclusivement passif.
- Le drain
aspiratif simple
Le plus connu est le drain de Jost-Redon, petit drain
en plastique siliconé, multiperforé àune extrémité, relié à l'autre extrémité à
une tubulure et un bocal où le vide est renouvelérégulièrement.
- Les drains
aspiratifs avec prise d'air
De très nombreux modèles sont décrits. Ils comportent
en général une tubulure d'aspiration centrale et une tubulure externe ou
latérale avec prise d'air pour éviter lesphénomènes de succion des viscères
abdominaux notamment.
- Les mèches
Faites de gaze stérile, de taille variable, on les
dispose en général en couches superposéesdans le fond d'une cavité.
- Drainage
filiforme : les crins dits de « Florence »
En fait on utilise des faisceaux de fils de nylon
- Le pansement
Enfin, je rappelle que dans le cas d'une plaie
septique laissée ouverte et pansée à plat (plaiede guerre par exemple), le
pansement lui-même joue un rôle de drain en absorbant les
sécrétions produites localement, à condition qu'il
soit correctement réalisé et renouvelé.
4. INDICATIONS ET EXEMPLES
Chaque chirurgien et chaque école ayant ses habitudes
il n'est pas possible d'entrer dans ledétail ou les polémiques. Je ne donnerai
donc ici que des exemples usuels, assezgénéralement admis.
- Abcès des
parties molles
Après incision et évacuation de l'abcès, une lame
ondulée est placée par l'incision et ressorten zone déclive. L'incision
elle-même n'est pas refermée. Le drain est retiré après trois à cinqjours (fig. 5).
Figure 5 : Drainage d'un abcès du sein par une lame
Trajet direct / Trajet déclive.
- Hématome
Après évacuation, un drain de Redon sera placé et
l'incision refermée.
- Plaie des
parties molles, récente et peu contaminée
Après parage, la plaie est refermée sur une lame
placée au niveau de la plaie ou d'unecontre-incision.
- Appendicite
aiguë
En cas d'abcès ou de péritonite, une lame est laissée
en place sortant par l'incision qui estpartiellement refermée. Elle sera
mobilisée après deux à trois jours puis retiréeprogressivement.
- Chirurgie
gynécologique
Chirurgie réglée et non septique (hystérectomie
simple, kyste de l'ovaire, grossesse extrautérinesimple) : le drainage est
souvent inutile. Si on y tient, un Redon est suffisant.
- Chirurgie plus
complexe
Notamment septique (pelvi-péritonites), le drainage
efficace est nécessaire : lame et draintubulaire dans le cul-de-sac de Douglas
et sortant par une contre-incision au niveau de lafosse iliaque, drainage
aspiratif ou encore sac de Mikulicz dans les formes sévères.
- Chirurgie du
côlon et du rectum
Ici le drainage vise à éviter la constitution d'un
hématome pelvien souvent surinfecté qui,au contact de l'anastomose, serait un
facteur de désunion et de fistule. Le drain permet desurveiller de façon
précise l'évolution pendant les premiers jours. Si un lâchageanastomotique
partiel survenait, le diagnostic en serait facilité (sur l'aspect du liquide
dedrainage) et le pronostic meilleur du fait de l'évacuation par le drain du
produit de lafistule. Mais dans ce domaine chaque chirurgien a ses idées et
utilisera selon les cas unsystème aspiratif ou une lame et un drain. La
tendance est plutôt à drainer les espaces dedécollement, souvent par des Redons
ou un drain aspiratif.
- Chirurgie
biliaire
Après une cholécystectomie simple, un drain de Redon
est suffisant et sera retiré après un àdeux jours. S'il s'agit d'une
cholécystite suppurée ou gangrenée avec d'importantsremaniements inflammatoires
locaux, on drainera volontiers par une lame multitubulée,par Exemple, sortant par une contre-incision
déclive du flanc droit.
En cas de lithiase du cholédoque un drain de Kehr, en
T, est placé dans la voie biliaireprincipale. Ce drain est le plus souvent en
caoutchouc et il doit être parfaitement fixé pouréviter à tout prix une
mobilisation intempestive les premiers jours. Le chirurgien devradonner des
consignes précises concernant l'installation et la surveillance de ce drain.
Unecholangiographie de contrôle sera réalisée vers le huitième jour pour
vérifier la liberté de lavoie biliaire et l'absence de calcul résiduel.
- Perforation
d'ulcère
Avant tout, le lavage de la cavité péritonéale doit
être complet et parfait. Après quoi il esthabituel de drainer l'étage
sus-mésocolique par un drainage aspiratif ou une lame et undrain sortant par
une contre-incision du flanc droit.
- Péritonites
généralisées
Après le traitement de la cause et le lavage
méticuleux de toute la cavité péritonéale, ons'efforcera de drainer les zones
de stagnation habituelles (sous les coupolesdiaphragmatiques, le cul-de-sac de
Douglas) et les loges cruentées et abcédées. Dans cedernier cas, les drains
seront retirés très progressivement de façon à permettrel'affaissement et
l'assèchement complet de cette cavité.
- Chirurgie
orthopédique et traumatologique
En fin d'intervention, un ou plusieurs drains aspiratifs
de Redon seront laissés dans le siteopératoire de façon à éviter la
constitution d'hématome qui favoriserait la surinfection. Lesprécautions
d'asepsie autour du drain sont ici aussi très importantes pour éviter
unecomplication infectieuse par le trajet du drain, car on sait la gravité de
ces infections, surtoutlorsque du matériel métallique (plaque, clous,
prothèses) a été posé.
- Chirurgie
thoracique
Le drainage thoracique et le drainage des urines (cathétérisme
sus-pubien et sondage transuréthral)constituent des sujets particuliers que
l'on ne peut simplifier sans risque. Cessujets devront donc faire l'objet de
questions spéciales.
Ainsi donc, selon l'usage qu'on en fait un drain peut
être utile ou nocif. Il appartient à celuiqui le pose de bien peser
l'indication et la technique. Des soins infirmiers rigoureux etéclairés (par
les explications nécessaires) éviteront bien des ennuis au malade !
MR : OUZMI